« Véronique, ma petite chérie, viens vite, je t’attends dans le sauna. » Comme d’habitude, Lucette commence sa journée par un chaud et froid qui la remet dans son corps et de sa voix flûtée, elle accueille mon arrivée. Ici tout n’est qu’odeur d’eucalyptus et lavande mêlés. Elle aime à distiller cette senteur violente qui nous saisit avant même d’avoir franchi le portail, dès l’entrée du chemin comme un avant-goût de ce qui nous attend. C’est son parfum trop fort qu’elle ne cesse de répandre dans la maison et même dans l’eau d’un bain qui s’échappe par des canalisations, embaumant la terre souterraine alentour. C’est sa marque de fabrique au même titre que la multitude de paniers accumulés, les bougies innombrables et les flacons de parfum vides et abandonnés. Les hurlements des chiens, le sifflement de Toto le perroquet, c’est elle aussi. Elle aussi et seulement elle, ce monde étrange et prenant qui se superpose à la réalité, qu’on se surprend à penser imaginaire et qu’on craint de voir s’évanouir. Un peu comme elle, qui vieillit doucement et dont la vie ne tient presque plus qu’à un fil. A toute vitesse, je dégringole l’escalier et la rejoins à la cave dans le sauna. Je ferme les yeux, m’enroule comme un coquillage et l’écoute raconter.